Je
te revois enfin, toujours belle, ô Coutances,
Célébrant une messe éternelle en les cieux
!
Après vingt ans d'exil, je te retrouve immense
Et telle qu'autrefois tu remplissais mes yeux.
C'est que mon cœur, toujours, plus haut que ta rosace
Et ce dôme, en défi, à la crainte jeté,
En toi voyait surgir la grandeur de ma race,
O Cathédrale de Fierté
Le
grand Mont Saint-Michel dont tu grandis la pose,
Entraînant, glaive en main, mille toits à l'assaut,
Ne paraît près de toi qu'une héroïque
prose ;
Car Toi c'est l'hymne ardent comme un vol de gerfaut
Le Mont, c'est la défense au moment des défaites,
L'ennemi, hors des murs, par des preux rejeté.
Toi, plus normande encore, exaltes des conquêtes,
Ma Cathédrale de Fierté
Quand
surgissent tes dôme et clochers en diadème
A l'horizon voilé sur lequel tu t'assieds,
Que t'importe nos bruits, nos vains propos, et même
La foule des Lundis qui vient baiser tes pieds !
Tu revois nos combats d'Angleterre et des Pouilles,
Cet office d'Hasting par ton Geoffroy (*) chanté,
Les royaumes vaincus t'ornant de leurs dépouilles,
Ma Cathédrale de Fierté !
Et tu portes trop haut les dédains de la terre,
Et le nom de Marie, et le nom des Normands,
Pour que Dieu veuille, un jour, te réduire en poussière
Quand viendront les fracas des derniers jugements
Va ! Nous t'enlèverons sur des palans étranges,
Et, bravant le tonnerre en le ciel agité,
Nous t'offrirons pour trône à la reine des anges,
Ma Cathédrale de Fierté !
Proclame,
en attendant, sur le front des nuées,
Aux enfants des Vikings qu'un grand jour va venir
Où tu célébreras la messe des épées
Sur des champs de bataille inscrits dans l'avenir
Cathédrale-trophée, église de victoire,
Dont rien ne peut ternir l'éternelle beauté, 0 toi
qui, sans soleil, t'illumines de gloire,
Ma Cathédrale de Fierté
Louis
Beuve.
(La
Lettre à la Morte)
NOTRE MILLÉNAIRE 933-1933, Imprimerie Arnaud-Bellée,
ré-édité en 1983
(*)Geoffroy doit se prononcer Geffroy.
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